même qu on nait imbattable streaming

Onen discute avec Elsa Moley et Marion Cuerq, réalisatrices du film-documentaire "Même qu'on naît pas imbattables", actuellement au cinéma. Accueil France 5 La maison des maternelles Saison 3. chaînes; France 2 ; France 3 ; France 4 ; France 5 ; France info ; France tv Slash ; la 1ère ; le replay de France 2 ; le replay de France 3 ; le replay de France 4 ; le Ilmord même Matt. Chapitre 20. Peu à peu, Weedon réussit à apprivoiser Croc-Blanc. Il est le seul à pouvoir le caresser. Mais Weedon doit partir. Croc-Blanc se laisse alors mourir de faim. Matt écrit à son ami pour le prévenir, et Weedon revient. Beauty Smith essaie de récupérer Croc Blanc, mais Weedon et Matt l’en empêchent. Chapitre 21. Weedon doit Mêmesi le maître des pinceaux se contente de peindre les dessins de Doug Braithwaite, le rendu est aussi beau que s'il avait tout illustré seul. Un récit hors continuité idéal au parfum old school qui réjouira les fans et permettra aux novices de découvrir la ligue sans difficulté. 0. 0. Ils sont les plus grands super-héros de la Terre : réunis en une Ligue de Justice Fulltext of "Les rois de la force [electronic resource] : histoire de tous les hommes forts depuis les temps anciens jusqu'à nos jours : avec 733 photographies et Jesais que le Samsung a une fonction de Dual Shot qui permet de prendre des photos avec les 2 capteurs en même temps mais [] je ne pense que l’utilisateur de Frontback serait satisfait par cette fonctionnalité de prendre les 2 photos en même temps. Il y a cette notion de composition. Si la photo va être partagée, nous avons toujours nonton love marriage and divorce season 2. Le petit-bourgeois est l’homme qui s’est GORKI Comme je dis » Quand on est née putain on reste putain, voilà mon avis. Je dis vous devez vous estimer heureuse si le fait qu’elle sèche ses classes est tout ce qui vous préoccupe. Je dis elle devrait être là-bas, dans cette cuisine, en ce moment même, au lieu d’être là-haut, dans sa chambre à se coller de la peinture sur la figure, attendant que six nègres lui préparent son petit déjeuner, six nègres qui ne peuvent même pas se lever de leur chaise à moins qu’ils aient une charge de pain et de viande pour les maintenir en équilibre 507/223. 132 Voir James M. Mellard, “Faulkner’s Jason and the Tradition of Oral Narrative”, Journal of Popular C ... 133 Le pronom “vous” apparaît dès la deuxième phrase du discours de Jason. Le plus souvent il englobe à ... 1Rien ici qui ressemble aux balbutiements incohérents de Benjy, rien qui rappelle les fébriles divagations de Quentin. Une autre voix se fait à présent entendre, vulgaire, sardonique, péremptoire, une voix qui affirme et qui tranche. Au monologue intérieur », avec ses replis et ses retours, ses délais et ses détours, succède un monologue dramatique, discours à la cantonade de qui parlerait tout haut. Encore qu’elle obéisse elle aussi par moments à une logique associative, la troisième section doit bien plus à la tradition populaire du récit oral qu’à la technique joycienne du courant de conscience132 ». On dirait la fidèle transcription d’un discours improvisé, une transcription qui aurait préservé la familiarité de ton et l’allure spontanée d’un récit fait de vive voix. Contrairement au vouloir-dire trébuchant de Benjy et au trop-à-dire haletant de Quentin, le monologue de Jason laisse apparaître d’entrée de jeu la conscience que le locuteur a de lui-même en tant que locuteur il s’écoute parler » à preuve la fréquence des inquit interpolés, les je dis », les comme je dis » en même temps qu’il suggère la présence d’un allocutaire, la complicité muette d’un tu auquel son discours s’adresse133. Alors que dans les deux premières sections l’appareil de l’énonciation était des plus problématiques, nous avons affaire ici à une situation de discours quasi normale. Les monologues de Benjy et de Quentin étaient des discours perdus comme des lettres..., la furieuse rhétorique de Jason témoigne en revanche du besoin de communiquer, de convaincre ou d’être à tout le moins entendu, réellement entendu. Nous voilà revenus aux circuits de la parole, à deux pas du dialogue. 134 La troisième section ne comporte qu’une seule analepse importante la scène de l’enterrement de Mr ... 2Aussi n’est-on pas surpris que le roman reprenne ici sa fonction traditionnelle de récit. Une histoire est enfin racontée et on la suit sans peine. L’ordre chronologique est rétabli dans la présentation des faits, et les rares ruptures temporelles se font de telle sorte que le risque de confusion est des plus réduits134. Bien que Jason ne soit nullement un narrateur digne de confiance, la narration y gagne un relief, une couleur et une cohérence qui lui faisaient jusque-là défaut, et grâce aux suppléments d’information qui nous sont fournis l’histoire des Compson sort enfin des limbes. 135 Le héros de George Washington Harris était un des personnages préférés de Faulkner “[...] j’aime ... 136 Voir Robert C. Elliot, “The Satirist Satirized Studies of the Great Misanthropes”, in The Power o ... 3Retour donc, vaille que vaille, au récit. Retour également au personnage, passablement effiloché dans les sections précédentes. Jason en est un dans tous les sens du terme, sur fond de théâtre scélérat de mélodrame en même temps que bouffon. Avec la troisième section le roman amorce un surprenant virage vers la comédie noire, dans la riche veine populaire qu’on retrouvera dans Tandis que j’agonise, la trilogie des Snopes et Les Larrons. Dans son parler dru et savoureux comme dans ses attitudes antisociales, Jason rappelle les figures hautes en couleur créées par les humoristes du Vieux Sud-Ouest, et l’on peut suivre son ascendance jusqu’à Simon Suggs et Sut Lovingood, personnages qui lui ressemblent par leur brutal franc-parler et leur esprit caustique et qu’il égale en cruauté et canaillerie135. D’autre part, dans la mesure où il se réduit à une poignée d’idées fixes et de réactions stéréotypées, Jason présente également d’évidentes affinités avec l’original – l’humeur devenue humour – tel que l’a défini Ben Jonson et dont les excentriques de Dickens offrent le plus riche répertoire dans la littérature romanesque. On peut enfin voir en lui un lointain cousin de province des grands misanthropes et des grands imprécateurs de la littérature occidentale – le Thersite d’Homère, le Timon de Shakespeare et la foule des malcontents » du théâtre élisabéthain, l’Alceste de Molière, le Gulliver du dernier voyage, ou encore, plus près de nous, l’homme du sous-sol » de Dostoïevski136. Comparer Jason à toutes ces figures est peut-être lui faire trop d’honneur, mais comme eux, dans son style de petit boutiquier sudiste, il est l’ennemi implacable du genre humain et le féroce procureur de ses folies. 4Comme eux également, il est à la fois l’agent et la cible de la satire. Tout son monologue peut se lire comme une étourdissante variation sur le thème classique du satiriste satirisé. L’ironie du romancier fait ici d’une pierre deux coups elle s’exerce en premier lieu aux dépens de Jason, dont elle charge le portrait jusqu’à la caricature, mais dans le même temps elle s’exerce, sous le couvert de Jason-narrateur, aux dépens des autres Compson, à ravaler le drame de leur déchéance aux proportions risibles d’une histoire de fous Je n’ai pas beaucoup d’amour-propre. Je ne peux pas me permettre ce luxe, avec une pleine cuisine de nègres à nourrir et le fait que je prive l’asile d’aliénés d’un numéro de choix. Le sang, dis-je, des gouverneurs, des généraux ! C’est bougrement heureux que nous n’ayons eu ni rois ni présidents nous serions tous à Jackson à l’heure qu’il est à courir après les papillons 552/286. 5Jason fait preuve tout au long de son monologue d’un sens aigu de l’incongru et du grotesque et, comme satiriste, il est d’autant plus redoutable que Faulkner – le satiriste dans les coulisses – lui prête pour ce rôle son propre talent. Décrits sans nuances et sans sympathie, dépouillés de tout ce qui les rendait à tout le moins pitoyables, les héros de la tragédie familiale deviennent sous le regard décapant de Jason les acteurs fortement typés d’une sorte de mélo burlesque ou de tragédie bouffe à mi-chemin de Caldwell et de Tennessee Williams le père et l’oncle poivrots, la mère neurasthénique, la nièce gourgandine, le frère idiot, tels sont les protagonistes de la troisième section. Et l’on n’est pas surpris dès lors que le récit de leurs malheurs tourne promptement à la farce. 6Autre langage, autre voix, autre regard. Le rapport du romancier au personnage-narrateur se modifie radicalement et la position du lecteur s’en trouve à son tour bouleversée. Avec Benjy, c’était la perplexité devant un texte incohérent et inassignable. Le monologue de Quentin, en revanche, nous entraînait dans les tourbillons d’un discours imaginaire et sollicitait donc une identification au personnage. Dans la troisième section, toute possibilité d’identification semble ruinée d’avance par l’ironie du romancier. Entre celui-ci et Jason comme entre Jason et nous la distance est égale à celle qui sépare Jason des objets de sa raillerie, et elle est presque de même nature distance comique, essentiellement, sauf que le rire du lecteur finit par se glacer devant tant de noirceur d’âme. 137 Voir LIG, p. 149. 7Jason, on le sait, représentait pour Faulkner le mal absolu » et l’on veut bien le croire lorsqu’il affirme y avoir mis tout ce qu’il abhorrait137. Il n’empêche que distanciation et identification sont ici à l’œuvre comme dans la section précédente. Pas de la même manière ni dans les mêmes proportions. Mais de même qu’on se méprendrait à ne voir en Quentin qu’une projection autobiographique plus ou moins romancée, on aurait tort de croire que Jason a été conçu à froid, du dehors, par un romancier qui lui serait totalement étranger. Jason a ce privilège que Faulkner réserve à ses grandes figures du mal de s’imposer à nous comme une présence » immédiate et irrécusable. L’aurait-il, cette présence, si son créateur ne l’avait nourri de ses propres venins ? 138 James Dahl, “A Faulkner Reminiscence Conversations with Mrs. Maud Falkner”, Journal of Modem Lite ... 139 “[...] le Père, c’est le Parleur, celui qui tient des discours hors du faire, coupés de toute produ ... 8Interrogé sur ce roman en 1953, Mrs. Maud Faulkner, la mère de l’écrivain, fit ces réflexions étonnantes Eh bien Jason, dans Le Bruit et la fureur – il parle exactement comme mon mari. Mon mari avait à un moment donné une quincaillerie dans la ville haute. Sa façon de parler était tout à fait comme celle de Jason, les mêmes mots, le même style. Tous ces vous savez ». Il avait aussi un vieux nègre du nom de Jobus, tout comme le personnage de Job dans l’histoire. Il était tout le temps après Job parce qu’il ne travaillait pas assez, exactement comme dans l’histoire138 ». À en croire ce témoignage d’autant plus savoureux qu’il émane de la mère, les sources seraient donc toutes proches, et que ce personnage bouffon et méprisable ait été modelé, au moins en partie, sur le père de Faulkner est une possibilité qui ne laisse pas d’intriguer. Jason, serait-ce le fils écrivain jouant au père parleur139 ? L’hypothèse n’est en tout cas pas à exclure que son monologue ait été pour Faulkner une manière de règlement de comptes avec le père, raillé dans ce qui est le symbole même de son autorité sa parole, sa voix. 9Mais parler comme le père, c’est aussi s’identifier à lui, se reconnaître en lui. Faulkner tenait de son père méprisé et Jason tient de Faulkner, comme Smerdiakov de Dostoïevski. Mais laissons là ces spéculations. Notre propos n’est pas de faire le compte des modèles et des sources ni même seulement de déterminer quels rapports les personnages entretiennent avec l’auteur, mais plutôt de les appréhender à partir de l’œuvre elle-même, comme figures liées les unes aux autres dans le réseau d’un texte. La voix du sang 140 Nous prenons ce terme avec toutes les connotations qu’il a prises depuis Nietzsche. Etat de faibles ... 10Dans la troisième section on change de clef, mais la partition est presque la même. Sauf à être retournée. Ainsi la relation frère-sœur, à peine moins décisive, change ici de signe ce qui lie Jason à Caddy est la haine, une haine aussi intense et aussi irrépressible que l’amour de Benjy et l’amour-haine de Quentin. Pour lui comme pour eux la sœur aura été l’instrument du désastre. N’eût été son inconduite, Jason aurait pu avoir une position à la banque de son beau-frère. Aussi l’enfant illégitime qu’elle a dû lui laisser en otage est-il devenu pour lui le symbole même de la position perdue » 619/383-384. Pour Jason la figure de Caddy est donc également associée au malheur d’une perte, mais plus encore que Quentin il a ressenti cette perte comme une offense, une insulte – en faulknérien an outrage. Et il y réagira autrement aux cris et aux gémissements de Benjy, au désespoir de Quentin répondent dans le troisième monologue la rage et le ressentiment140. 141 Sur ce que Jason doit à la “philosophie” de son père, voir le judicieux essai de Duncan Aswell, “Th ... 11Mais bon sang ne saurait mentir. Parce que, comme je dis, le sang est le sang et on n’y peut rien » 564/303 Jason ne croit pas si bien dire lorsqu’il invoque l’atavisme familial pour expliquer les fredaines de sa nièce, ironiquement la réflexion vaut aussi bien pour lui. A l’entendre, il n’y aurait pas homme plus raisonnable que lui en ce monde de fous et de crétins. 11 croit et voudrait nous faire accroire qu’il n’a rien de commun avec les autres Compson – illusion maintes fois démentie par ses actes, bien qu’il soit un outsider et l’ait été depuis son enfance. Sa mère se félicite de ce qu’il soit un vrai Bascomb » et a pour lui les tendres égards qu’elle refuse à ses autres enfants. Tel Jewel, le fils favori d’Addie Bundren dans Tandis que j’agonise, Jason a été marqué par ce traitement préférentiel, mais comme Mrs. Compson n’a de véritable amour que pour elle-même, il n’a guère été plus qu’un pion dans le jeu dévastateur qu’elle n’a cessé de jouer avec les siens. Sa seule réussite est de l’avoir isolé du reste de la famille et de l’avoir façonné à son image. C’est d’elle qu’il a hérité son féroce égoisme, sa bonne conscience, sa mauvaise foi, son souci de respectabilité et jusqu’à ses migraines. Mais il est curieux de voir que Jason est aussi le paradoxal héritier de la philosophie paternelle, dont il adopte les principes pour s’en faire une rigide règle de vie. Et son inflexible logique, en érigeant le scepticisme de Mr. Compson en dogme, va nous administrer – nouveau tour de l’ironie faulknérienne – la preuve par l’absurde de son inanité141. 142 Voir LIG, p. 147. 12Non moins surprenantes sont les étroites ressemblances qui unissent Jason et Quentin. Le contraste est certes le plus évident, et l’on sait que Jason fut initialement conçu pour servir de repoussoir à son frère142. A côté de Quentin, Jason est assurément un allègre extraverti. Il s’accommode du monde et s’y affaire de toute son énergie brouillonne quand Quentin le refuse et en meurt. A l’idéalisme écorché de celui-ci on a pu opposer le pragmatisme froidement calculateur de celui-là. Au-delà de ces différences, cependant, on bute chez l’un et l’autre contre le même irréfragable noyau de narcissisme ou, pour reprendre le terme plus ambigu de Faulkner, la même innocence ». Jason n’est que le négatif de son frère, un Quentin moins vulnérable, plus sanguin, plus pugnace, qui, plutôt que de succomber au désespoir, aurait tourné à l’aigre. Le persécuteur persécuté 143 Faulkner multiplie dans les deux premières sections les signes qui annoncent son comportement d’adu ... 13Déviée par la culpabilité, intériorisée dans la névrose, retournée contre le moi, l’agressivité de Quentin avait fini par trouver sa conclusion logique dans le suicide. Rien de tel chez Jason, qui ne rate pas une occasion de faire le mal et se délecte de la souffrance d’autrui. Enfant, il découpait avec des ciseaux les poupées de Benjy. Au même âge, Popeye en faisait autant avec des perruches et des chatons. Moins violent que l’avorton de Sanctuaire, Jason se rattrape par une cruauté mentale non moins abjecte, et pour les coups tordus, les vacheries cousues main, les perfidies longuement mijotées, il est assurément imbattable. Comme il jubile au souvenir du bon tour joué à Caddy, qui voulait revoir sa fille, ne fût-ce qu’ une minute », et qu’il a si finement Bouée cf. 528-529/254-255 ! Et comme il est content de brûler les deux billets pour le cirque sous le nez du pauvre Luster 574/317-318 ! Un grand garçon comme vous », lui dit Dilsey, qui devine le petit monstre sous l’adulte sadique. À sa manière, Jason est en effet resté fidèle à son enfance tout comme Benjy et Quentin143. 14A l’intérieur du cercle familial sa méchanceté peut s’épanouir en toute quiétude. En dehors, elle ne jouit pas de la même impunité, et dans ses rapports socio-professionnels Jason aurait intérêt à se tenir sur ses gardes. Or, son animosité est si irrépressible qu’elle éclate partout au moindre prétexte. Dans toutes les conversations relatées dans son monologue ses propos ne sont que fiel et vinaigre il est grincheux avec son ex-associé Earl qui est en fait son patron depuis qu’il a retiré son argent du magasin pour s’acheter une voiture et plein de condescendance avec les Noirs et les petits fermiers qui viennent s’approvisionner à la quincaillerie ; il morigène le télégraphiste, coupable de ne pas l’informer à temps des fluctuations de la bourse ; se dispute avec le shérif qui refuse de l’aider à retrouver l’argent volé par sa nièce, et finit par se faire assommer par un vieillard qu’il a traité de menteur. Jason flaire partout la trahison, soupçonne tout un chacun de vouloir lui nuire et voit en tout homme un adversaire à abattre. 144 Par moments Jason semble même tirer un plaisir masochiste de ses humiliations, en particulier au co ... 15C’est dire qu’il ne peut concevoir autre que lui-même, que tout homme est son semblable, un autre Jason. Le monde lui renvoie, agrandi et multiplié, son propre reflet, sa propre grimace. À l’entendre, on pourrait croire qu’il ne se bat que pour survivre et n’agresse que pour se défendre. En fait il n’agresse que pour être à son tour agressé, comme s’il avait besoin des ripostes et des représailles que. déclenchent ses provocations pour être justifié et confirmé dans son rôle de victime144. 145 Voir, par exemple, Charles D. Peavy, “Jason Compson’s Paranoid Pseudocommunity”, Hartford Studies i ... 16Paranoia ? La critique l’a évoquée à son propos et Jason en a en effet la logique roide et folle145. Le jour de Pâques, lors de la poursuite de Quentin et de l’homme-à-la-cravate-rouge, elle le conduira jusqu’au délire de persécution. À première vue, Jason peut sans doute paraître plus simple que Quentin et c’est d’ailleurs l’image qu’il cherche à donner de lui-même dans son monologue, mais il s’en faut qu’il ne soit d’une pièce. Les objets du ressentiment 17De Benjy à Quentin, de Quentin à Jason il n’y a pas de solution de continuité. Benjy, c’est un peu la statue de Condillac à ses débuts sensation et mémoire de la sensation ; Quentin et Jason en apparaissent comme les complications » successives. On y retrouve les mêmes éléments de base, mais combinés et accentués différemment. Cette identité-dans-la-différence, rien ne l’illustre mieux que le glissement des obsessions privées aux fantasmes collectifs qui se produit dans la section 3. 18Nous avons déjà noté que, des trois premiers monologues du roman, celui de Jason était de loin le plus socialisé. Contrairement à Benjy et à Quentin, tous deux asociaux, l’un par débilité mentale, l’autre par introversion névrotique, Jason se définit par son rapport à la société autant que par ceux qu’il entretient avec la famille. 19Singulier rapport, fait de conformisme et de révolte. Si le ressentiment de Jason est sans limites ni discernement, il est en effet remarquable que les objets sur lesquels il se fixe soient si souvent ceux que lui désignent les préjugés de son milieu et de son temps. Même sa causticité est sans surprises les victimes de ses plaisanteries les plus anodines sont l’avare, le provincial, la vieille fille, le pasteur, c’est-à-dire les personnages les plus stéréotypés de l’humour populaire. Plus révélateur, déjà, est son mépris pour les intellectuels, les professeurs d’Université qui ne possèdent même pas une paire de chaussettes et qui vous enseignent comment gagner un million en dix ans » 569/31 1. L’anti-intellectualisme fait généralement bon ménage avec la xénophobie. Jason ne déroge pas à la règle [...] c’est tout de même dégoûtant que n’importe quel sale étranger, incapable de gagner sa vie dans le pays où Dieu l’a fait naître, puisse venir s’installer ici et voler à même la poche des Américains 518/239. 20Champion de l’américanisme, hostile aux étrangers, il a bien entendu aussi la haine du Sudiste pour le Yankee et ne cesse de fulminer contre ces requins de l’Est » 540/270. On ne s’étonnera pas non plus que Jason ait des préjugés ethniques. Il n’aime pas les Juifs, encore que son antisémitisme s’exprime avec ce qu’il faut d’hypocrisie pour lui donner les apparences de la respectabilité Je donne à chacun ce qui lui revient, sans distinction de religion ou de quoi que ce soit. Je n’ai rien contre les Juifs en tant qu’individus, dis-je. C’est la race. Vous avouerez qu’ils ne produisent rien. Ils suivent les pionniers dans les pays neufs et leur vendent des vêtements 517/237-238. 21Et il est à peine besoin de préciser ce que Jason pense des Noirs Ce qu’il faut à ce pays, c’est de la main-d’œuvre blanche. Qu’on laisse ces sales faineants de nègres crever de faim pendant un an ou deux et ils se rendront compte alors à quel point ils se la coulent douce 516/237.Comme je dis Le seul endroit qui leur conviendrait, c’est les champs où ils seraient obligés de travailler du lever au coucher du soleil. Ils ne peuvent pas supporter la prospérité ou un travail aisé. Un bref contact avec les Blancs, et ils ne valent plus la corde pour les pendre. Ils en arrivent au point que, pour ce qui est du travail, ils peuvent vous mettre dedans sous votre nez, comme Roskus dont la seule erreur fut de se laisser mourir un jour, par inadvertance. Tirer au flanc, voler, vous faire chaque jour des boniments nouveaux jusqu’au moment où il vous faut leur flanquer une volée de bois vert ou d’autre chose 570/312-313. 146 “[...] on n’est pas nécessairement humble ni même modeste parce qu’on a consenti à la médiocrité. C ... 22Le Noir, le Juif, l’étranger, l’intellectuel, voilà autant d’avatars de l’Autre honni et détesté. Selon les recettes éprouvées de l’intolérance et du racisme, Jason les fige en catégories abstraites, les réduit à des prédicats immuables les Juifs sont mercantiles et parasites, les Noirs flemmards et chapardeurs, etc. Ainsi préjugés de nation, de région, de classe et de race viennent offrir un exutoire au trop-plein de ses aigreurs en même temps qu’ils lui permettent de rejoindre l’élite des médiocres146 ». Così fan tutte 23De ces préjugés et de ces phobies la misogynie est le complément attendu. Jason est aussi sexiste que raciste. Comme sur les Juifs et les Noirs, il a sur les femmes sa provision d’idées toutes faites et, comme eux, son discours les déshumanise en les réduisant à l’animalité si les Juifs sont des requins 540/270 et les Noirs des singes 572/315, les femmes sont des chiennes 507, 582/223, 329. On notera aussi la manière dont Jason classe leurs actions et objective leurs comportements. Quoi qu’une femme puisse faire, elle ne peut rien faire qui le puisse surprendre C’est bien ça, les femmes », s’exclame-t-il lorsque le chèque de Caddy lui parvient avec six jours de retard 516/236. L’ennui, c’est que les femmes ne soient prévisibles que dans leur imprévisibilité et qu’il faille sans cesse se rappeler qu’ une femme est capable de tout » 563/303. 24C’est pourquoi la femme est pour Jason l’adversaire par excellence. Déraison faite chair, elle est un défi permanent à ses calculs, une menace impossible à conjurer. Ses craintes semblent au demeurant justifiées à deux reprises il sera floué par une femme, la première fois par Caddy, qui lui fait perdre la situation promise, la deuxième fois par sa fille Quentin qui, en se sauvant avec l’argent qu’il lui avait si astucieusement et si patiemment volé, réduira de nouveau ses rêves d’avare à néant. 25La misogynie de Jason diffère de celle de Quentin, mais elle naît du même soupçon et le conduit pareillement à figer la féminité dans l’abstraction d’un stéréotype. Pour Quentin elle se confondait avec l’idole blanche et muette de la virginité, mais l’analyse de son monologue nous a déjà montré combien il fallait se méfier de cette image et quels en étaient les troubles dessous. En vérité, les propos de Jason ne font que traduire en clair et en vulgaire ce que suggéraient les morbides soupçons de Quentin, à savoir que toutes les femmes sont des putains. Evidence inavouable et inacceptable aux yeux de Quentin, qui s’efforçait de la masquer sous les nobles oripeaux de l’idéalisme courtois. Jason, lui, en prendra allègrement son parti en choisissant pour maîtresse une brave fille de putain » 555/291. À faire de la femme une simple commodité sexuelle, il croit pouvoir en jouir sans risque et d’autant plus sûrement qu’il a pris soin d’établir sa liaison avec Lorraine sur une base exclusivement vénale. 26Le cynisme que Jason peut si aisément mettre en pratique avec sa docile maîtresse ne lui sert toutefois à rien lorsqu’il s’agit de Caddy et de sa fille. Celle-ci est l’objet préféré de sa rage et de sa haine, l’argent est son unique objet d’amour. Or, il n’est pas indifférent que ces deux passions soient liées l’une et l’autre à la figure de la sœur. Caddy joue pour lui le rôle de pourvoyeuse elle l’était déjà, virtuellement, au moment de son mariage puisque celui-ci devait assurer à Jason une position confortable à la banque du beau-frère ; elle l’est, au présent, réellement, puisque depuis quinze ans il lui vole les deux cents dollars qu’elle envoie chaque mois pour sa fille. En d’autres termes, c’est de Caddy qu’il attend la satisfaction de ses plus chers désirs, en quoi il n’est pas sans rappeler Benjy et Quentin. On pourrait dire que chez Jason l’ambivalence de Quentin à l’égard de Caddy, au lieu d’être intériorisée, a été à la fois dissociée et déplacée. Question d’économie. L’hypothèse est d’autant plus plausible que le rapport de Jason à sa nièce apparaît lui-même comme le produit d’un déplacement ou d’un remplacement et que celle-ci en vient presque à occuper dans son monologue la place tenue par Caddy dans les sections précédentes. 27Jason et sa nièce deviennent ainsi les doublures de Quentin et de sa sœur. Malgré qu’il en ait, Jason est aussi préoccupé par les escapades de sa nièce que Quentin l’était par l’inconduite de sa sœur. Sans doute n’est-ce pas pour les mêmes raisons. Mais entre le sens de l’honneur de Quentin et le souci de respectabilité de Jason il n’y a qu’une différence de degré, et ce souci s’affirme avec tant de force et de passion que l’hypocrisie seule ne suffit pas à en rendre compte. Jason, apparemment, se moque du dévergondage de sa nièce Comme je dis elle peut bien coucher nuit et jour avec tout ce qui porte culotte dans la ville, je m’en fous 562/300. 28Mais bientôt la colère l’emporte Ces sacrés petits godelureaux avec leurs cheveux gommés, qui se donnent des airs de faire le diable à quatre. Je leur montrerai, moi, ce que c’est que le diable pour de vrai. Je lui ferai croire que sa sacrée cravate rouge est le cordon des portes de l’enfer s’il se figure qu’il peut aller courir les bois avec ma nièce 562/301. 29Comme Quentin, Jason fulmine contre les godelureaux » de la ville et, détail révélateur, il les désigne du même terme squirt dans l’original ; cf. section 2, 466/166 C’est pour l’avoir permis à un sale godelureau de la ville que je t’ai giflée ». Sa fureur fait ici penser au dépit de son frère à l’époque des premiers rendez-vous amoureux de Caddy. Semblablement, dans la scène qui l’oppose à sa nièce au début de la section 3 509-515/227-235, sa brutalité rappelle jusque dans les gestes l’agressivité de Quentin envers Caddy. En outre, l’attitude de défi que prend la nièce au cours de cette confrontation ne laisse pas d’évoquer le souvenir de Caddy narguant son frère, et lorsqu’elle menace Jason de déchirer sa robe, l’on songe aussitôt à la scène près du ruisseau où la petite Caddy, par bravade, avait enlevé la sienne. Dans les deux scènes il y a provocation délibérée et l’effet produit est chaque fois le même l’impudeur féminine affole Jason comme elle avait effarouché la pruderie du jeune Quentin, pour l’un et l’autre la chair dénudée est scandale. Dans le monologue de Jason, les bois deviennent comme dans l’univers puritain de Hawthorne le lieu secret de la luxure Tu vas te cacher dans les bois avec un de ces sacrés godelureaux à cheveux gominés ? C’est là que tu vas ? » 511/229. Obsession sexuelle et préjugé racial se conjuguent dans l’image de la prostituée noire [...] je ne tolérerai pas qu’un membre de ma famille aille se galvauder comme une vulgaire négresse » 515/234. Or, le même langage disait déjà les hantises de Quentin Pourquoi faut-il que tu te conduises comme les négresses dans les prés les fossés les bois sombres ardentes cachées furieuses dans les bois sombres » 429/113-114. Tout en faisant mine d’être scandalisé par le maquillage et les déshabillés indécents de sa nièce, Jason en est du reste secrètement titillé et peu s’en faut qu’il ne cède à ses démangaisons lubriques [...] si, dans ma jeunesse, une femme était sortie, même dans Gayoso ou Beale Street, avec aussi peu de chose sur les jambes et sur le cul, on n’aurait pas tardé à la foutre en prison. Du diable si, à les voir habillées de la sorte, on ne croirait pas qu’elles ne cherchent qu’à se faire peloter les fesses par tous les hommes qu’elles croisent dans la rue 554/289. 147 John Longley, The Tragic Mask A Study of Faulkner’s Heroes, Chapel Hill, The University of North ... 30Dans la surveillance constante que Jason exerce sur sa nièce il y a une part évidente de voyeurisme voilà qui rappelle encore Benjy et surtout Quentin, et s’il met tant d’obstination et de frénésie à la pourchasser lorsqu’elle s’est enfuie avec l’homme-à-la-cravate-rouge, ce n’est pas seulement pour reprendre possession de son » argent, mais aussi dans l’espoir de la surprendre en flagrant délit sexuel. Comme toute haine, celle qui lie Jason à la fille de Caddy est ambivalente et peut-être n’est-ce pas aller trop loin que d’y voir la manifestation d’une attirance incestueuse profondément refoulée147 ». 31Ces rappels d’images, cette symétrie des comportements, cette analogie des situations rendent certes le contraste entre le passé et le sordide présent d’autant plus frappant. La relation Jason-Quentin II nous apparaît comme la cruelle parodie de la relation Quentin-Caddy. A la place des pathétiques querelles d’enfants et d’adolescents évoquées dans le monologue de Quentin, nous avons ici des scènes d’une stridente vulgarité qui donnent la mesure de l’avilissement où est tombée la famille Compson sous le règne de Jason. Tout prend dans la troisième section une couleur plus sinistre. Peut-être aussi une couleur plus vraie, un ton plus franc. Et la vérité qui se fait ainsi jour accuse Quentin aussi bien que Jason. Après tout, l’influence que Quentin a exercée sur sa sœur n’a pas été moins dévastatrice que celle de Jason sur sa nièce. Sous une forme plus insidieuse, son amour a produit les mêmes effets que la haine. Vous m’avez rendue comme ça », dit la fille de Caddy à Jason, je voudrais être morte. Je voudrais que nous soyons tous morts » 578/324. Chez Caddy il y avait déjà le même désespoir, la même conscience d’être une fille perdue » 487/196, et au lieu d’invoquer la fatalité, celle-ci aurait pu également accuser Quentin de l’avoir corrompue. Victimes, qui d’un frère jaloux, qui d’un oncle vindicatif, Caddy et sa fille finissent toutes deux par reconnaître leur visage de damnées dans le miroir maléfique que leur tendent ces deux juges sans pitié. Sans doute Quentin et Jason ne sont pas les seuls artisans de leur destin, mais dans leur rôle de persécuteurs ils contribuent plus efficacement que quiconque à faire d’elles des femmes perdues ». Le romancier, au bout du compte, renvoie les deux frères dos à dos Jason, c’est Quentin le censeur devenu bourreau ; Quentin, c’est Jason avec les alibis de l’idéal et les faux-fuyants de la vertu. La troisième section n’est pas seulement une grinçante répétition de la seconde ; elle en est aussi la brutale démystification. Temps et contretemps 32Egalement incapables de nouer avec autrui des relations qui ne soient répressives et destructrices, Jason et Quentin se ressemblent aussi dans leur refus du réel et dans l’échec auquel les conduit ce refus. Echec qui pour l’un et l’autre est avant tout un échec à vaincre le temps. À première vue, il est vrai, l’attitude que Jason adopte à l’égard du temps peut paraître plus normale que celle de son frère. Mais s’il ne vit pas dans la hantise constante du passé et n’a que mépris pour la tradition sudiste, il n’est pas sans mémoire et parmi ses souvenirs, il n’en est pas de plus cuisant que celui de l’outrage » que lui a fait subir Caddy en le privant de la position promise. Dans son monologue les retours en arrière n’occupent pas autant de place que chez Quentin ; il est néanmoins remarquable que le seul long flashback » qui y apparaisse concerne les retours de sa sœur à Jefferson 527-530/251-256. La différence entre les deux frères à cet égard tient essentiellement à ce que, au lieu de ressasser indéfiniment ses griefs contre Caddy, Jason s’emploiera activement à obtenir réparation de l’affront subi. De là que l’obsession du temps tourne chez lui à l’obsession de l’avenir. Le futur, pour Jason, est l’appel de la vengeance ; il est, à la lettre, ce qui devra lui permettre de régler ses comptes avec le passé. 33Dès lors, il ne s’agit plus de fuir le temps, mais de le rattraper. Aussi, des incessantes allées et venues entre le magasin, le bureau du télégraphe et son domicile, rapportées dans la troisième section, à la folle poursuite de la nièce et de l’homme-à-la-cravate-rouge décrite dans la section finale, la vie de Jason n’est-elle qu’une longue et épuisante course contre la montre. L’effet comique produit par le récit de ses mésaventures dérive en grande partie de leur rythme de plus en plus rapide, de plus en plus saccadé on songe à la trépidation incongrue qui s’empare des acteurs dans les films burlesques des temps du muet ; une légère accélération de leurs mouvements suffit à les transformer en pantins gesticulants. Jason semble être de ces pantins-là. Toujours pressé, toujours à courir après des trains en marche et continuellement freiné dans sa course par de fâcheux contretemps manque de chèques en blanc, pneus dégonflés, maux de tête, etc. Plus Jason s’affole et s’agite, plus il est en retard. Il n’a jamais le temps d’être à temps. 34Ane trottant derrière sa carotte, Jason est comme Quentin le jouet du temps, mais pour d’autres raisons parce qu’il en a fait une idole, un ersatz d’éternité. Quentin rêvait d’une éternité en quelque sorte verticale qui surplomberait le temps. Celle de Jason, homme de progrès », est un mirage en avant, dans l’axe horizontal de la durée c’est dans le temps qu’il fuit le temps. 35Evasion illusoire [...] laissez-moi seulement vingt-quatre heures » 582/329, implore-t-il à la fin de son monologue. Ces vingt-quatre heures, c’est ce qui le sépare de la réalisation de son rêve d’avare, rêve qui, à tout prendre, n’est pas si éloigné de celui de Quentin. Car l’un et l’autre cherchent à thésauriser, à mettre quelque chose à l’abri du changement pour l’avoir tout à soi. Pour Quentin, c’est le trésor » de la virginité de Caddy qu’il importait de préserver intact ; chez Jason le même besoin de sécurité et de possession se traduira plus prosaïquement par l’amour du dollar et trouvera sa plus juste métaphore dans le coffre-fort où il enferme l’argent volé à Caddy. Mais Jason va perdre ses économies », comme Quentin avait perdu sa sœur. Ses calculs, ses ruses, ses précautions ne le sauvent pas du désastre, sa logique se révèle aussi impuissante à le conjurer que les folles divagations de Quentin. L’imbécile 148 “Appendice”, p. 465/“Appendix”, p. 420. 36Dans son Appendice » au roman, Faulkner nous dit que Jason est le premier Compson depuis des générations à être sain d’esprit » et le définit par ces trois termes logique, rationnel, maître de soi148 ». La remarque est évidemment à prendre cum grano salis car tout le discours de Jason sa forme comme son contenu la dément. Jason est aussi illogique, aussi irrationnel et aussi peu maître de soi que Quentin, et ses efforts pour imposer au monde son ordre, loin de le distinguer de ses frères, ne font que confirmer la ressemblance. Sans doute est-ce à une pure et froide rationalité qu’il aspire à preuve son légalisme tatillon et son désir de réduire toute relation personnelle à un arrangement commercial. Mais plus encore que par l’imprévisibilité des êtres et des événements sa volonté de raison et d’ordre est bafouée par sa propre déraison. Et ce n’est pas seulement dans ses démêlés avec sa famille qu’il perd son sang-froid ; même en affaires, il se montre incapable de la moindre décision réfléchie. Comme businessman, Jason fait piètre figure. Il a beau être cupide et cynique, rien ne lui réussit. Comme le lui fait remarquer Job, le vieux Noir employé à la quincaillerie, l’excès même de sa méfiance se retourne contre lui Vous êtes trop malin pou’ moi. Y’en a pas un dans la ville qui pourrait vous battre pour ce qui est d’être malin. Vous roulez un homme qu’est si malin qu’il ne peut même pas se suiv’ lui-même, dit-il [...]– Qui ça ? dis-je– Mr. Jason Compson, dit-il […] » 570/312. 37Ainsi Jason finit par se prendre au piège de sa propre malice. Le récit de ses actions confirme tout à fait la réflexion perspicace du vieux Job. Qu’il s’agisse de spéculations boursières sur le coton ou de paris sportifs, ses décisions, loin d’être calculées, sont invariablement dictées par les caprices de son humeur, par la vanité la plus butée ou le plus puéril esprit de contradiction. Trop méfiant pour croire à la chance, trop impulsif pour se fier au raisonnement, Jason est voué à perdre à tous les coups. 149 Hermès II L’Interférence, Paris, Editions de Minuit, 1972, p. 201. 38 Le génie », écrit Michel Serres, se reconnaît à ce signe que, chez lui, pullulent, vivants et bien en os, les imbéciles149 ». Exemples Molière, Balzac, Flaubert, Faulkner. Le monologue de Jason, c’est d’abord l’autoportrait somptueux, succulent, d’un imbécile. 150 Le Réel Traité de l’idiotie, p. 144. 39L’imbécile n’est pas idiot, loin de là. Son intelligence n’est rien moins qu’inerte et sur ce point nous donnerons raison à Clément Rosset contre Michel Serres, lorsqu’il dit de la sottise qu’ elle ne dort jamais150 ». Voyez Jason, comme il se dépense et se démène son intelligence ne cesse d’être en éveil, en alerte, toujours à l’affût d’une bonne aubaine ou d’un mauvais coup. Soulevez-lui le crâne ça bourdonne comme une ruche. Jason a la tête pleine de pensées. Seulement il pense faux, il pense tordu et son discours ne nous livre en fin de compte qu’une grotesque parodie de pensée logique. Quand on est née putain on reste putain » la première phrase de son soliloque est son premier sophisme, et c’est par des généralisations-coups de poing de ce type que ses préjugés les plus bêtes se feront passer pour des axiomes irréfutables. Inductions spécieuses, toujours les idées et les opinions de Jason ne sont rien de plus que les rationalisations grossières de ses partis pris et de ses rancœurs. Quand il pense, ce n’est jamais pour comprendre le réel, mais pour l’escamoter. Il ne raisonne pas, il rationalise ou ratiocine, acharné à trouver à tout une explication non pas juste mais rassurante. Pourvu que l’inconnu se résolve dans l’attendu et le convenu, que le complexe soit réduit au simple, l’autre au même. Ce qu’il cherche, c’est le succédané magique d’un système logique – un système qui rendait enfin compte de la vaste et sinistre machination dont il se croit et se veut l’innocente victime. 40Mais pour un paranoïaque, Jason manque singulièrement d’imagination. Non seulement il pense de travers, mais il ne pense jamais seul, il ne cesse de ressasser le déjà-dit. Ses idées sont toutes de seconde main et l’on sait de quelle friperie elles proviennent. La texture même de son discours témoigne de sa vertigineuse indigence vocabulaire redondant, syntaxe embrouillée, tics et clichés. La grammaire de Jason ne vaut guère mieux que sa logique. 41Reste une rhétorique plastronnante, racoleuse, agressive, avec ses aphorismes à quatre sous et son bestiaire de foire. Restent aussi d’heureuses trouvailles, des pointes perfides, des méchancetés vraies. On peut en aimer l’âcre saveur. Mais cette rhétorique de fanfaron masque un langage mort, une pensée morte et meurtrière. Tout s’y immobilise en une hideuse grimace nous sommes dans un monde ensorcelé d’essences pétrifiées où une femme est une femme et un Noir un nègre ». Parce que c’est comme ça et pas autrement. 42Qu’y a-t-il derrière cet amoncellement nauséeux de lieux communs, cette débauche de pseudo-logique et de tauto-logique ? Une intelligence aux abois, fébrile mais atrophiée qui, faute de nourritures plus substantielles, se jette avidement sur son pauvre menu de truismes et de sophismes. Le monologue de Jason ? Un sottisier rageur, un dictionnaire d’idées reçues déclamé par un boutiquier en colère. Voix du sens commun et de la bêtise commune, captée par Faulkner avec une délectation toute flaubertienne. 43On comprend mal, dès lors, que la critique faulknérienne s’obstine à décrire Jason comme un rationaliste », un réaliste » ou un pragmatiste ». Il n’est rien de tout cela. La raison dont il se réclame n’est au mieux qu’un garde-fou, une fragile barrière pour le protéger du monde et de lui-même. Que surgisse une difficulté, et la voilà qui vole en éclats. Témoin la poursuite finale de Miss Quentin. Aveuglé par la rage, Jason perd alors toute maîtrise de soi, abandonne toute prudence et toute mesure, s’agite comme un forcené. La folie des Compson, qui fait si souvent les frais de ses quolibets, ne l’a visiblement pas épargné. Jason lui-même en vient à le reconnaître dans ses rares moments de lucidité Et me voilà, sans chapeau, au beau milieu de l’après-midi, à fouiller toutes les ruelles écartées, et tout ça, pour le bon renom de ma mère [...] J’allai jusqu’à la rue, mais ils avaient disparu. Et j’étais là, sans chapeau, comme si j’étais fou, moi aussi 544/ 289-290. 44La fureur vengeresse de Jason atteindra son paroxysme le dimanche de Pâques, après l’évasion de la nièce et la disparition de l’argent du coffre-fort. Dès lors Faulkner nous entraîne de nouveau dans un univers de délire et de déraison, étonnamment proche de celui de Quentin. Comme son frère, en effet, Jason se prend à ce point en pitié et se croit en proie à un si profond malheur qu’il en dramatise l’enjeu et se projette spontanément dans des rôles héroïques. Quentin se voyait comme le dernier chevalier, le dernier champion des dames » et comparait son suicide imminent à la mort sacrificielle du Christ. Semblablement, Jason s’échauffe jusqu’à la mégalomanie. Ses ennemis ne sont plus alors une petite traînée et un vulgaire comédien de théâtre ambulant, mais les forces adverses de son destin » 619/384. Et voici Jason à son tour métamorphosé en une sorte de Prométhée au petit pied ou de Satan miltonien au rabais De temps à autre, il passait devant des églises en bois brut et aux flèches de zinc qu’entouraient des voitures attachées et de vieux tacots, et il lui semblait voir en chacune d’elles un poste d’observation d’où les arrière-gardes de la Circonstance se retournaient pour lui lancer des coups d’œil furtifs. Et merde pour Toi aussi, dit-il. Essaye donc un peu de m’arrêter ! » Il se voyait déjà arrachant, au besoin, l’Omnipotence de Son Trône, suivi de son peloton de soldats et du shérif, menottes aux mains, et il imaginait la lutte des légions du ciel et de l’enfer au milieu desquelles il se précipitait pour appréhender enfin sa nièce fugitive 618-619/382. 151 Comme le note Duncan Aswell, la scène avec le vieillard “aurait pu sortir tout droit de la journée ... 45Le retour au réel se fera par l’expérience cuisante de l’humiliation physique. Là encore le rapprochement avec la deuxième section s’impose. La bagarre de Jason avec le vieillard de Mottson, qui clôt la chasse à la nièce, est un singulier pendant à la rixe Quentin-Bland Quentin avait essayé de frapper Bland pour venger l’honneur féminin, Jason s’en prend tout aussi absurdement à un vieil homme qu’il ne connaît pas et qui n’en peut mais, pour empêcher le monde entier » 621/385 de découvrir son infortune151. Dans les deux scènes il se produit une sorte de quiproquo, de méprise tragi-comique, la personne agressée étant chaque fois le substitut de l’adversaire réel hors de portée. L’on voit que, si Jason n’est pas aussi donquichottesque que son frère, les égarements de sa colère le conduisent pareillement à se battre contre des moulins à vent. Sa bagarre, comme celles de Quentin, n’est qu’un lamentable simulacre, une scène de shadow boxing » qui s’achève dans la dérision Jason s’écroule et se cogne la tête contre un rail avant que le petit homme furieux au couperet ait eu le temps de l’approcher. Plusieurs autres détails de la scène accentuent encore l’ironie des ressemblances les références parallèles au saignement 492/203-204 ; 623/388 et, suggérant directement la comparaison avec Quentin, les questions du témoin de l’incident, qui croit avoir assisté à une tentative de suicide 623/388 et demande à Jason si la fille qu’il recherche n’est pas sa sœur 623/389. La suprême ironie est cependant que Jason, au terme de sa poursuite, se trouve à son tour en posture de victime, si désemparé, si misérable que sa faiblesse évoque non seulement la pathétique impuissance de Quentin, mais aussi l’état d’extrême abjection de Benjy. A la fin Jason n’est plus qu’un pantin aux ressorts cassés. Les dernières scènes nous montrent un homme prostré, annihilé par l’humiliation de sa défaite Il resta un moment assis. Il entendit une horloge sonner la demie, puis des gens commencèrent à passer, endimanchés et vêtus de leurs costumes de Pâques. Les uns le regardaient en passant, regardaient cet homme assis tranquillement derrière le volant d’une petite auto, avec sa vie invisible, dévidée autour de lui comme une vieille chaussette 624/391. 46A travers l’échec de Jason, Faulkner finit par faire triompher une manière de justice poétique. Situations et rôles se renversent selon les jeux de bascule du théâtre comique l’histoire de Jason est l’histoire du voleur volé, du persécuteur persécuté, du bourreau transformé en victime. Comme au spectacle de marionnettes, l’on serait tenté d’applaudir au châtiment du méchant si le romancier n’avait entre-temps changé d’attitude vis-à-vis de son personnage. Le Jason qu’on vient de voir, seul et abandonné, affalé derrière le volant de sa petite auto, ne fait plus rire. Ce qui transparaît soudain derrière sa figure de vaincu, c’est l’archétype faulknérien de l’homme aux outrages. Non que Jason nous soit devenu brusquement sympathique, mais le mépris dont il a été accablé tout au long du roman le cède ici furtivement à ce respect mêlé de pitié que Faulkner eut l’élégance d’accorder à chacune de ses créatures, fussent-elles aussi viles que Popeye, Flem Snopes et Jason, quand arrive l’heure de la plus grande solitude ou s’approche l’échéance de la mort. 47L’imbécile, selon l’étymologie du terme, est d’abord un faible et c’est la faiblesse de Jason que nous révèle la scène de sa défaite. Voilà le monstre démasqué, la marionnette démontée. Ses dérisoires secrets ont été éventés et pourtant l’énigme du mal qu’il est censé incarner dans le roman reste entière. Car ce bourreau est aussi une victime et l’on ne peut lui faire porter l’entière responsabilité de ses méfaits. Jason est pourri jusqu’à la moelle, mais la corruption qui est en lui ne vient pas seulement de lui et elle n’est pas non plus l’effet d’une ténébreuse fatalité. La vérité du personnage est ailleurs. Le petit bourgeois 48Faut-il en chercher la clef dans la société sudiste des années vingt et trente ? On ne peut en tout cas négliger la dimension proprement sociologique du personnage. 49La critique faulknérienne n’a pas tardé à s’apercevoir que le mouvement général de Le Bruit et la fureur était un mouvement d’expansion et d’ouverture, que d’une section à l’autre le centre de gravité se déplaçait progressivement du privé au public, de l’individuel au social. Encore que le monologue de Jason soit en un sens aussi fermé » que ceux de ses frères, et son point de vue aussi étroitement subjectif que celui de Quentin, il invite en effet le lecteur à porter son regard au-delà de la famille Compson et lui permet ainsi de situer son drame dans un contexte plus large, de découvrir qu’à nous parler des Compson, Faulkner ne cesse de nous parler du Sud, et que l’autre scène » du théâtre familial, c’est aussi l’inconscient social. 50Or, cet inconscient-là se manifeste en premier lieu par ses effets de langage, et rien n’est plus remarquable que la manière dont le social sature le discours de Jason. On remarquera d’abord qu’il est le seul Compson à parler l’idiome de sa région, le seul à s’exprimer dans la langue populaire, et l’on notera également qu’il est le seul qui soit à la recherche d’une identité sociale. Il n’est pas coupé du monde comme le sont ses frères, il tente de s’y affirmer, de s’y faire une place [...] j’ai une position dans cette ville » 515/234, dit-il à sa nièce, et on le voit faire des efforts désespérés pour sauver la façade, pour empêcher que le nom de sa famille ne soit totalement discrédité aux yeux de l’opinion. Sans y réussir ses concitoyens ne l’estiment guère et la communauté de Jefferson ne semble le tolérer qu’en raison de la place respectable que sa famille y a autrefois tenue. 152 Voir “Appendice”, p. 645/“Appendix”, p. 420. 51Jason est à vrai dire trop marginal, trop excentrique pour qu’on puisse le considérer comme typique. Il n’en demeure pas moins qu’à travers les grossissements et les distorsions de la satire son portrait nous révèle nombre de traits associés à la mentalité sudiste. Mais à quel Sud Jason appartient-il, l’Ancien ou le Nouveau, celui des Sartoris ou celui des Snopes ? Il ne suffit assurément pas de dire que Jason est un Snopes avant la lettre. Certes, il a renié toute allégeance aux traditions de sa famille et de sa communauté et se félicite cyniquement d’être sans conscience morale ; sa cupidité, sa malhonnêteté, sa bassesse ne le cèdent en rien à celles de Flem Snopes. Aussi, dans une société qui tient ces tares pour vertus, Jason est-il le seul Compson à pouvoir survivre. Mais voilà qui le distingue déjà de Flem il parvient à survivre, il ne fait pas fortune. Selon Faulkner152, Jason était le seul de sa famille à savoir se mesurer avec les Snopes sur leur propre terrain. En fait, il n’est cependant pas de taille à lutter avec Flem, et dans Le Domaine celui-ci n’aura pas plus de mal à le gruger que les autres citoyens de Jefferson. 52Ce qui manque à Jason, c’est la patiente roublardise et la froide détermination qui feront le succès de Flem. On peut le considérer à la rigueur comme la conscience et la voix du snopesisme, mais il ne nous donne qu’une piètre image du snopesisme en acte. La raison en est peut-être que sa rapacité est d’un autre ordre. Les Snopes ont les appétits voraces et les ambitions vulgaires d’un paysan parvenu et leur ascension est aussi irrésistible qu’une catastrophe naturelle. Jason, en revanche, dernier survivant d’une famille bourgeoise dégénérée, est pris dans les contradictions paralysantes de son héritage. 53On ne saurait donc confondre Jason avec la classe montante des Snopes, non plus qu’on ne peut l’identifier entièrement avec sa classe d’origine, la classe désormais moribonde des Sartoris et des Compson. Jason lui-même ne sait pas très bien quel est son statut social et change d’allégeance selon l’humeur et les circonstances. Tantôt il prend le parti des pauvres fermiers des collines, tantôt il les maudit ou dénonce leur coupable imprévoyance ; tantôt il raille les prétentions sociales de sa famille, tantôt il se fait le farouche défenseur de l’honneur des Compson. Il est vrai que Jason se sent plus proche des Bascomb, de la famille petite-bourgeoise de sa mère que des aristocratiques Compson, mais le prestigieux passé de ceux-ci n’est certainement pas étranger à ses hantises. Le terme qui, socialement, le définit sans doute le mieux est celui de déclassé. De ce déclassement Jason semble avoir vivement conscience son amertume, son ressentiment y trouvent un aliment inépuisable. 54A travers Jason, Faulkner a tracé le portrait d’un petit bourgeois aigri, et il a fait de lui le porte-parole éloquent de tous les laissés pour compte de la nouvelle société sudiste des années vingt patriciens déchus, petits commerçants besogneux, rednecks écrasés de dettes, tous ceux que les vicissitudes de l’économie avaient condamné à croupir dans la gêne et la médiocrité. C’est de ce semi-prolétariat rural de petits Blancs » que Jason est le représentant, et son monologue en distille à merveille les aigreurs et les rancunes. 55Comme tous les ratés, Jason se croit victime d’un sort injuste qui l’a privé de son dû. Détail remarquable les rares fois qu’il passe du je au nous, c’est pour exprimer une sorte de solidarité rageuse et apitoyée avec ses anonymes compagnons d’infortune Je ne vois pas comment une ville pas plus grande que New York peut renfermer assez de gens pour soutirer leur argent à des pauvres poires comme nous us country suckers 555/291-292. 56Mais cette prise de conscience d’un sort partagé n’implique aucune solidarité réelle. Pour s’en sortir, Jason ne compte que sur lui-même. En bon Américain et en bon Sudiste, il surcompense son sentiment d’impuissance par un farouche individualisme Du reste comme je dis, je n’ai pas besoin qu’on m’aide pour faire mon chemin. Je sais me tenir sur mes jambes, comme je l’ai toujours fait 530-531/256. 57Les claironnantes affirmations d’indépendance de Jason sonnent comme un rappel ironique de la légendaire fierté des hommes de la Frontière », dont il est le descendant, et l’on serait presque tenté d’y voir une discrète parodie de la self-reliance » célébrée par Emerson. On sait ce que vaut cet individualisme-là il n’est que le masque et l’alibi du conformisme. 153 Voir “The Pseudo-Conservative Revolt – 1954”, in The Paranoid Style in American Politics and Other ... 58Méfiance et intolérance parachèvent le portrait. Xénophobie, antisémitisme, anti-intellectualisme, mysogynie c’est dans ces formes de haine sanctionnées et encouragées par le consensus social que se fixe et se durcit en dernier ressort l’animosité née de la frustration. On n’aura pas manqué de reconnaître les implications politiques de cette agressivité désormais canalisée Jason et ses pareils sont de l’étoffe dont, en période de crise, on fait des fascistes. Mais ne confondons pas ultra-droite et conservatisme. Jason n’est pas un conservateur, un nostalgique du passé, un défenseur des traditions du Sud ; il ressemble plutôt au pseudo-conservateur » tel que l’a défini l’historien Richard Hofstadter153 appliqué à donner de lui-même l’image rassurante de l’homme d’affaires industrieux, du fils déférent et du chef de famille responsable, Jason adopte les valeurs traditionnelles pour tout ce qui touche à son personnage public. Et pas seulement par hypocrisie son monologue nous montre qu’il prend ces rôles tout à fait au sérieux. Mais la violence de ses éclats et de ses foucades ne cesse de fissurer ce vernis de respectabilité. Le pseudo-conservateur » est un homme divisé la rigueur de son conformisme est contredite par une haine virulente, irraisonnée, voire inconsciente de l’ordre établi. Colère, peur, inquiétude, méfiance paranoïde, préjugés ethniques et obsession du statut social, parmi les caractéristiques du pseudo-conservatisme qu’énumère Hofstadter, il n’en est pas une seule qui ne vaille pour Jason. 59Faulkner n’avait pas d’ambitions sociologiques lorsqu’il composa Le Bruit et la fureur, mais l’on peut dire qu’il avait dès ce moment-là – plus qu’aucun de ses contemporains – l’imagination sociologique et historique qui sait recréer et révéler l’esprit d’un temps et d’un lieu. Les petits bourgeois bêtes et méchants à la Jason ne sont certes ni d’un seul pays ni d’un seul temps. Mais il serait vain de nier qu’ils trouvèrent dans le Sud de la première moitié du vingtième siècle une terre d’élection où leur virulente sottise pouvait sévir plus impunément qu’ailleurs, et de ce Sud-là, Faulkner nous a donné à travers Jason l’un des portraits le plus implacablement justes et le plus férocement comiques. 154 FAU, p. 29/FIU, p. 17. 60 Il y a trop de Jasons dans le Sud qui peuvent réussir, exactement comme il y a trop de Quentins dans le Sud qui sont trop sensibles pour affronter la réalité154 » cette remarque du romancier confirme, s’il en était besoin, la valeur représentative qu’il assignait à ces deux personnages, et elle indique aussi leurs fonctions complémentaires dans le roman. Le plus souvent cette complémentarité a été interprétée dans une perspective à la fois symbolique et historique l’effondrement de Quentin représenterait la faillite de vieilles traditions sudistes, Jason serait le sinistre prophète de l’âge nouveau. Chacun d’eux symboliserait donc une phase dans le processus de déclin que Faulkner a dramatisé à travers l’histoire des Compson. Aussi séduisante soit-elle, cette lecture allégorisante ne convainc qu’à moitié. À trop durcir les oppositions, elle tend à faire oublier ce qu’il y a de presque organique dans la complémentarité de ces deux figures. Comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises au cours de ce chapitre, Quentin et Jason sont plus profondément frères » qu’on ne l’a généralement reconnu. Frères ennemis sans doute, mais les ressemblances sont si troublantes que leurs monologues semblent devoir être lus comme les deux versions d’un même texte ou deux interprétations différentes d’une même pièce. L’enjeu de la pièce est la perte. Cette perte peut s’entendre en termes socio-historiques perte par une classe dominante de son statut et de ses privilèges ; déclassement, déclin, décomposition. Mais perte d’abord vécue dans sa chair par chacun des protagonistes du roman perte d’amour par perte de soi, perte de soi par perte d’amour. Benjy, l’idiot dépossédé au seuil de l’œuvre, représente cette perte sous sa forme la plus élémentaire et la plus nue. En Quentin et en Jason elle devient ce qu’en termes religieux on appellerait perdition, ruine de l’âme, ou ce que la vulgate marxiste désignerait sous le concept d’aliénation, expropriation de soi. Tous deux se perdent pour n’avoir pas su assumer la perte. A Quentin comme à Jason il aura manqué le courage d’entreprendre le nécessaire trajet qui conduit de l’innocence à l’expérience, du moi à l’autre et à l’Autre. En quoi ils sont voués à rester, comme leur frère débile, des demeurés. Seuls les destins des deux frères sont vraiment disjoints. Le premier perd sa vie, le second son âme. Jason survit - dérisoire triomphe de l’ endurance » faulknérienne. Tranzistor 55Published on Jan 22, 2015Retour du vinyle, éclosion de nouveaux disquaires, fidélité des musiciens à un support qui, a contrario du numérique, confère une valeur à leurs œuvre... Mayenne Culture Service Unavailable Guru Meditation XID 979859074 Varnish cache server Même qu’on naît imbattables ! Espace René Descartes Availles-en-Châtellerault Même qu’on naît imbattables ! Espace René Descartes, 22 mai 2022, Availles-en-Châtellerault. Même qu’on naît imbattables ! Espace René Descartes, le dimanche 22 mai à 1600 On aspire tous à vivre dans un monde sans violence. Et si tout commençait … par l’enfance ? Car la violence de notre société prend racine dès nos premiers pas. Menaces, punitions, gifles, fessées, viennent s’inscrire dans le quotidien, comme une banalité inhérente à l’enfance… Au nom de l’éducation et de l’amour ? Un peuple, qui le premier, a compris qu’élever les enfants dans l’empathie et la bienveillance ferait d’eux des êtres responsables et surtout, respectueux des autres, ce sont les Suédois, pionniers de l’abolition des violences dites éducatives, dès1979. Et si c’était aussi simple ? Ce film vous emmène à la rencontre de cette première génération imbattable, et invite, à travers une nouvelle conception de l’enfant, à reconsidérer la nature humaine. Même qu’on naît imbattables » amène à une vraie prise de conscience sur la violence imprégnée dans notre quotidien, une violence invisible parce qu’elle est habituelle, parce qu’elle est normale ». Via le regard de personnes qui ont raccroché avec la violence envers les enfants 40 ans avant les Français, cette normalité paraît soudainement extrême et intolérable. J’ai ressenti beaucoup d’émotions différentes en le visionnant de la colère en voyant les absurdités que certains médias Français ont véhiculé, un choc positif quand j’ai vu que les enfants suédois interrogés ne savaient pas ce qu’étais une claque, ni une fessée, de la consternation et beaucoup de tristesse en voyant ces suédoises choquées par des extraits de Super Nanny » puis finalement de l’espoir, en voyant à quel point une loi peut avoir d’impact sur les enfants, sur la société ». 4€ On aspire tous à vivre dans un monde sans violence. Et si tout commençait … par l’enfance ? Car la violence de notre société prend racine dès nos premiers pas… Espace René Descartes Rue de Chemery Les Deux 86530 Availles-en-Chatellerault Availles-en-Châtellerault Vienne Dates et horaires de début et de fin année – mois – jour – heure 2022-05-22T160000 2022-05-22T190000 Cliquez ici pour ajouter gratuitement un événement dans cet agenda Espace René Descartes Availles-en-Châtellerault Vienne Availles-en-Châtellerault Vienne Availles-en-Châtellerault Vienne C’est le 30 Novembre 1982 que Michael Jackson propose l’opus “Thriller“. Il sort d’un gros succès avec son album “Off The Wall” et conserve sa place sur la scène pop grâce à des tubes comme “Beat It” ou encore “Billie Jean”. L’opus est un vrai raz-de-marée qui dépasse les simples frontières du monde musical pour devenir un réel phénomène de société. Le projet récolte 8 grammys, se classe en tête du Billboard pendant 2 ans et s’écoule à 50 millions de copies dans le monde. Un record à sa sortie. Il entre même dans le fameux Guiness’Book. Cependant, “Thriller” a depuis perdu sa suprématie en terme de Grammys. L’opus de Santana “Supernatural” et celui de U2 “How to Dismantle an Atomic Bomb” en ont tous les deux obtenus 9 statuettes. Ensuite, Adèle a réussi l’exploit d’avoir l’opus le plus vendu en 2011 puis en 2012. Ce qui lui a permit d’égaler le record de Michael Jackson. Mais ce dernier a gardé une sérieuse avance dans la catégorie “ventes” . Il caracole toujours en tête avec 50 millions de disques vendus. Et c’est quelque chose qui ne semble pas prêt de changer. Vous vous demandez surement comment c’est possible qu’il puisse être aussi serein. Plusieurs choses l’expliquent. Mais d’abord le changement des habitudes des consommateurs en terme de musique. du marché des singles. Avant, les gens achetaient des albums. Aujourd’hui, il prennent juste des singles. Depuis le début des années 2000’s, il y a eu un véritable boom au niveau des achats des albums comparé aux 90’s et aux 80’s. Avant, la musique mainstream ratissait très large et visait principalement un public “mature“, d’où le fait que les ventes d’opus soient bien plus soutenues que celles des singles. Aujourd’hui avec Internet et l’abondance d’informations, tout est dirigé vers une seule chanson et les albums sont de moins en moins de là que naît ce décalage. En 1982, 447 millions d’opus étaient vendus… contre millions de singles. Il faut savoir que les singles étaient eux aussi vendus en version physique à cette époque et coûtaient souvent le tiers du prix d’un opus pour seulement une chanson. Dès 2003, avec I-tunes, le prix d’une chanson passe à 99 centimes, et ça joue énormément sur l’exposition de ce marché là. On accuse souvent le téléchargement illégal, avec des sites comme Napster et Kazaa, mais la réalité est que les gros magnats de l’industrie n’ont pas su anticiper les effets du net sur l’industrie. Ils étaient trop fiers et trop habitués aux gros chiffres des 2 précédentes décennies et n’ont pas su prévoir le changement du mode de consommation. Ce qui a permit à Apple de cannibaliser le marché. défi du streaming. Au delà du mode de consommation “à la chanson”, ce qui complique encore plus la tâche d’un artiste qui voudrait battre le record de Michael, c’est sans aucun doute le streaming. De la même manière qu’ils s’étaient emparés du marché il y a de cela 12 ans, Itunes et tous les autres sites de téléchargement légaux même s’ils n’ont en réalité jamais vraiment compté comme expliqué plus haut se cassent aujourd’hui la gueule pour laisser la place au streaming. Tidal, Spotify, Pandora, Apple Music, c’est la nouvelle ère, c’est la nouvelle guerre du monde de la musique. On assiste à ce qu’on pourrait désormais appeler “l’achat militant“. A une époque, on achetait un opus parce qu’on aimait la musique. Aujourd’hui, on en achète un parce qu’on veut soutenir l’artiste, ce qu’il représente et plein d’autres choses. Quand on sait qu’avec 10 euros par mois, on peut avoir toutes les chansons qu’on veut, il faut vraiment avoir envie de soutenir le chanteur pour débourser 13 ou 15 euros et n’acheter qu’un seul album. L’achat devient plus que musical, il est militant. C’est une chose qui complique encore plus la tache d’un artiste voulant vendre le maximum d’albums, ou même de singles en 2015. En effet, depuis le lancement d’Apple Music, on observe ainsi une violente chute des ventes de singles dans le monde. des labels. La logique du business est simple, quand un domaine rapporte moins, on y investit moins. Le coût de production de “Thriller” était de dollars à l’époque, soit 2 millions de dollars aujourd’hui. Ce n’est pas le seul album à avoir couté aussi cher millions pour le FanMail de Tlc etc... C’était la norme dans les grandes années de l’industrie du disque d’avoir énormément d’argent investi aussi bien dans la construction d’un album, que dans sa promotion. Il suffit de regarder les clips et la qualité des enregistrements à l’époque. La musique rapportait énormément donc les labels investissaient. Aujourd’hui, les opus coutent beaucoup moins chers. Un label met beaucoup moins d’argent dans la promotion et dans l’élaboration d’un opus car ses dirigeants savent de toutes façons qu’il y a peu de chances que ça leur rapporte énormément. Les gens sont versatiles. Ils reçoivent trop d’informations en une seule journée, trop d’artistes, trop de tout, c’est l’heure du net. Alors, ils n’investissent pas forcément énormément sur un artiste, mais un “peu” sur un nombre plus important d’artistes, pour être sur de rentrer dans leurs frais. Les promos des opus sont courtes et peu nombreuses. Il n’y a plus aucun artiste qui propose 12 singles dans un même album. D’une part, parce que le public assailli d’informations ne suivrait pas. Mais aussi, d’autre part, parce que ce serait trop couteux à faire. C’est plus facile de faire un album, payer une promo la première semaine, balancer 2-3 clips , aller en tournée et de passer à la prochaine ère. Résultat,très peu d’artistes ont encore une machine et des fonds aussi énormes que ceux que MJ a eu pour “Thriller” à son époque. les années d’or. Ceci étant, il ne faut pas croire que la suprématie de “Thriller” était garantie dès la sortie de l’opus. En effet, les 80’s et surtout les 90’s ont été des années glorieuses pour l’industrie du dit précédemment, il y avait beaucoup d’argent en jeu et en plus ça rapportait beaucoup. Dans les 80’s, il y avait environ 2 albums certifiés diamant chaque année aux et dans les 90’s, on passait à 4 à 5 albums certifiés diamant 10 millions de ventes chaque année. Une mine d’or qui poussait donc les labels à mettre plus d’argent en jeu. Mais Michael n’a pas cédé sa place. Dans le classement des opus les plus vendus de tous les temps, il est suivi par Shania Twain avec “Come On Over”, Whitney Houston “The Bodyguard”, Alanis Morrissette “Jagged Little Pill” ou encore les Spice Girls “Spice” qui sont tous des opus sortis dans les 90’s qui ont frôlé, voir dépassé, les 40 millions de ventes. Ils n’ont toutefois pas réussi à battre “Thriller“. L’opus avait une dimension sociale, visuelle, tout en étant très accessible, ce qui en fait quelque chose de plus complet. Même MJ avec ses opus “Bad “ou” Dangerous” n’a pas pu rivaliser avec ce projet. 5. Le cas Adèle et l’avenir de l’industrie. Au vu de la conjoncture, des moyens mis en place, mais aussi du mode de fonctionnement de l’industrie, qui a totalement changé, c’est de plus en plus compliqué pour un artiste d’imposer un opus comme à la grande époque. Ceci étant, il faut reconnaître que les 28 millions de disques vendus par Adèle pour son album” 21” en 2011 restent hallucinants et furent assez imprévisibles au moment de sa sortie. Elle l’a fait alors que le marché des ventes de disques était totalement cannibalisé par celui des singles comme précisé dans le premier graphique. Donc, il y aura sûrement encore des artistes qui pourront nous surprendre avec de bons chiffres. Mais c’est difficile de penser qu’ils pourraient un jour parvenir à égaler les 50 millions de ventes de MJ. De manière plus générale, si l’industrie musicale actuelle souffre, ce sont plus des problèmes de restructuration qui la panique qu’autre chose. En effet, les gens n’ont jamais autant écouté et consommé de la musique qu’aujourd’hui. Les revenus du streaming, les ventes de cds et de vynils et les téléchargement réunis montrent clairement que la musique n’a jamais été autant écouté, mais ce sont les moyens d’au mieux la rentabiliser qui ne sont pas encore totalement au point. Triste Réalité! Ps Ce dossier fait partie d’une série de dossier sur l’industrie musicale qu’on continuera à publier sur Musicfeelings. Merci à Business Community, à FindtheBusinessMoney, et aux Rollling Stones pour les sources citées dans l’article. N’hésitez pas à nous rejoindre sur facebook pour d’autres articles.

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